De Vigiles à Complies
Musique : Comme le cerf.., abbaye cistercienne de Tamié
Dans le vallon obscur de l’Abbaye de Sénanque, la cloche avait sonné Vigiles (vers 4 h 30 du matin). De Vigiles à Complies, un frère convers avait la responsabilité de faire sonner la cloche en tirant sur une corde.
Vêtus de leur robe blanche à longues manches et de leur tablier noir (le scapulaire), les moines s’étaient levés pour aller dire la prière de la nuit dans l’église. Autrefois, cette prière était célébrée à minuit.

Lecture dans la salle du chapitre
Ensuite, les moines étaient allés écouter des lectures de textes religieux dans la salle du chapitre. Quand l’aurore était venue, la cloche s’était remise à sonner et les moines étaient retournés à l’église pour la prière de Laudes, au lever du jour.
Le temps de manger en silence un morceau de pain, conservé du souper de la veille, et de marcher en silence sous les voûtes entourant le cloître, la cloche avait sonné pour rassembler à nouveau les moines pour la prière de Prime, la première heure du jour au lever du soleil. Ensuite, les moines étaient retournés dans la salle du chapitre pour la séance du jour, consistant en lectures religieuses.
Eh bien ! moi, je vous dis : demandez et on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l’on vous ouvrira. Car, quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; et à qui frappe on ouvrira. Quel est d’entre vous le père auquel son fils lui demande du pain et qui lui remettra une pierre ?
À la suite de la lecture de l’Évangile de Luc, chapitre 11, versets 9 à 11, un enfant se leva et demanda :
- Pourquoi Dieu ne nous écoute pas quand on prie ?
Un frisson passa sur l’assemblée des moines. Certains se mirent à sourire affectueusement. Chacun savait que la parole d’un enfant est parole d’évangile et un moine lui répondit ainsi :
- Que veux-tu dire ?
- Nous avons tous prié pour que la peste arrête de tuer les pauvres gens, enfin, je veux dire tout le monde.
Silence.
Celui qui avait interrogé l’enfant dit ceci :
- Dieu écoute nos prières. Mais comment Dieu exerce-t-il sa Toute-Puissance ? Nous ne le savons pas.
C’était un disciple de Guillaume d’Okham, un moine franciscain anglais qui avait séparé la toute-puissance de Dieu d’un côté et le monde réel de l’autre. La religion d’un côté et la science de l’autre. On pouvait étudier le monde des choses singulières (telle fleur, tel animal), mais on ne pouvait pas connaître ce qui relève de la religion : on ne pouvait pas prouver l’existence de Dieu, on pouvait seulement croire en Dieu, car Dieu n’était pas réel, il était tout-puissant. Évidemment le pape n’était pas du tout d’accord avec Guillaume d’Okham.
À l’époque médiévale, un enfant (moins de 15 ans) pouvait intervenir au chapitre et on l’écoutait, car il est dit que Dieu parle par la bouche des enfants. C’est pourquoi on a dit par la suite qu’il avait voix au chapitre.
Après la séance de lecture, les enfants étaient partis à l’école et les moines s’étaient mis au travail, chacun dans sa spécialité.

Abbaye de Sénanque
En ce printemps 1348, on avait conduit Odéric auprès de l’abbé, le moine qui dirige l’abbaye. On lui avait donné une coule de novice, une robe à longues manches et capuchon. Voyant que ce jeune homme de 15 ans était instruit, l’abbé Pierre VI Clément de Mez d’Argentan l’avait affecté à l’herboristerie, au service de Frère Bertrand, qui avait voulu le tester en l’envoyant chercher des plantes au jardin.
Les moines cisterciens se rassemblaient 8 fois par jour pour prier Dieu : à Vigiles, 9e heure de la nuit, à Laudes au moment de l’aurore, à Prime au lever du soleil, et ainsi de suite jusqu’à Vêpres, au coucher du soleil, et à Complies, 3e heure de la nuit, avant d’aller se coucher. Dans toutes les abbayes, toute l’année, la vie des moines était réglée par le son des cloches.
L’ordre religieux des Bénédictins a été créé au 6e siècle. Puis au 12e siècle, les Cisterciens ont modifié la règle de St Benoît. D’autres ordres se sont créés, comme les Franciscains qui ont voulu être pauvres pour aider les pauvres. Chez les Bénédictins et les Cisterciens, il y a des monastères d’hommes et des couvents de femmes.
La Règle cistercienne imposait le silence : les moines ne devaient dire que le strict minimum indispensable. La plupart du temps, ils communiquaient entre eux par signes et uniquement lorsque cela était nécessaire.
Point de bavardages dans le vallon où coulait la Sénancole. On entendait seulement les bruits de l’activité humaine, qui se mélangeaient aux cris des animaux domestiques, poules, cochons, moutons, chevaux, aux chants des oiseaux et aux bruits de la rivière, du moulin et du vent dans les arbres.