Le Palais vieux

Comme elle était très curieuse, dès qu’elle put s’échapper des appartements de Pierre de Monteruc, Imelda se glissa dans le Palais vieux.

Cette partie du Palais des Papes, construite par Benoît XII entre 1337 et 1342, n’était donc pas si vieille que cela puisque la construction avait moins de 11 ans en 1348. C’était une forteresse, bâtie autour d’un cloître comme un monastère.

Le cloître du Palais vieux

Cloître du Palais vieux

L’heure de Prime était passée et il y avait du monde depuis Laudes : servantes et valets circulaient à travers le palais, ainsi que les porteurs d’eau tirée des puits. Les sergents d’armes, qui avaient leurs quartiers dans la Tour de Trouillas, avaient repris leur service. Les escaliers et couloirs du palais résonnaient des bruits de toute cette activité humaine.

Imelda se faufila parmi les gens, sans qu’on s’étonne de sa venue dans ces lieux.

Faisant le tour du cloître, elle longea l’Aile du Consistoire (là où se réunit l’assemblée de cardinaux) et de la Bouteillerie (la cave où sont conservés et surveillés les vins par les 4 sommeliers du pape), jusqu’à la Tour des cuisines. Puis Imelda entra dans la chapelle silencieuse de Benoît XII. Mais elle n’y resta qu’un instant et continua en direction de l’Aile des Familiers du pape, après la Tour de la Campane.

Alors qu’elle allait rejoindre l’Aile du Conclave, on l’interpella :

- Eh, toi, viens voir un peu par ici.

Son cœur se mit à battre et elle se demanda ce qu’elle allait pouvoir dire pour justifier sa présence en ces lieux. Elle s’approcha du damoiseau qui la regarda quelques instants et lui demanda :

- Est-ce que tu sais coudre ?

Méfiante, Imelda répondit que non, elle ne savait pas coudre. Évidemment qu’elle avait appris à coudre et à broder et le damoiseau sourit à son objection naïve. Il lui dit qu’elle ferait l’affaire et que, dès à présent, elle travaillait pour le compte de Pierre Des Prés. Ceci étant précisé, il lui ordonna de le suivre.

Il n’était pas question de désobéir. À cette époque une servante faisait ce qu’on lui disait de faire. Le vice-chancelier Pierre des Prés était le deuxième cardinal au sommet de la hiérarchie pontificale, en dessous du Pape. Le premier était le Camérier, celui qui dirigeait tout le service des finances, de la politique et de la religion. Après venait celui qui dirigeait la Chancellerie, la bureaucratie de la papauté en charge de s’occuper des doléances et suppliques adressées au Pape. Ces demandes administratives avient pour objectif d'obtenir des avantages. C’est la Chancellerie qui rédigeait les bulles du pape, ces précieux documents qui certifiaient un diplôme ou des privilèges en portant le sceau pontifical (la bulle).

Ainsi donc, tout à fait par hasard, Imelda se retrouva embauchée, si on peut dire, pour coudre et coudre et coudre, avec d’autres servantes sous l’autorité d’une couturière. Il y avait une montagne de linge à rafistoler, vêtements de damoiseaux, de sergents d’armes, chapelains, maître de la maréchalerie, maître et acheteur de la cuisine, maître des œuvres, avocat du fisc, huissiers, gardiens de la cire et de la vaisselle et j’en passe… Tous ces gens de la curie devaient avoir une tenue impeccable, selon le protocole du Palais des papes.

Imelda protestait en pensée : on ne lui avait même pas demandé au service de qui elle était déjà. Comment ignorer qu’une servante est obligatoirement au service d’une famille noble ou d’un cardinal dans ce palais. Bref, c’était l’horreur d’imaginer ce que Bertrande de Monteruc dirait quand elle reviendrait après avoir fini son travail de couture.

Mais reviendrait-elle un jour au service de… ?

Tierce se mit à sonner. Complètement découragée, Imelda s’arrêta de coudre et se mit à pleurer.

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