Musique de l’Art nouveau
Quand ils sortirent de la pièce ils entendirent une drôle de musique, bien différente des monodies habituelles, ces chants à l’unisson hérités de la musique grégorienne. Dans une musique polyphonique, on entend des voix différentes. Ainsi, une soprano, un ténor et des basses superposaient leurs voix et leurs paroles dans un tourbillon musical.
Musique du 13e siècle : A la cheminée
L’une des voix disait :
A la cheminée, au froid mois de janvier
le bouillon salé, gras chapon à manger
Très curieux, Kévin et Audrey suivirent des couloirs et montèrent un escalier, se retrouvant devant la Grande Chapelle construite par Clément VI au-dessus de la Grande Audience. Intimidés, ils entrèrent, restant derrière les gens qui écoutaient en bavardant. Devant le chœur, 5 musiciens jouaient de divers instruments, rebec (sorte de vièle), vièle à archet, bombardes, percussions.
Dans la chapelle il y avait des cardinaux et des dignitaires en joyeuse compagnie de dames en robes colorées. Ils riaient en entendant une chanson du Roman de Fauvel, où un âne s’est installé dans la maison de son maître. La chanson se moquait de l’Église et de la politique.
À présent, 4 musiciens jouaient de la vielle à archet, du chalumeau (ancêtre du hautbois et de la clarinette), du luth et de la flûte à bec.
Quand ils s’arrêtèrent de jouer, un haute-contre, un homme qui chantait haut dans les aigus, un ténor et une basse chantèrent une chanson coquine, au rythme d’un carillon.
Musique du 13e siècle : Eh, Marotele
Traduit en français moderne, tandis qu’une voix chantait :
Eh Marotele ! allons au bois jouer
Une autre voix chantait :
Dans la prairie Robin et son amie
Et ainsi de suite, puis on entendit :
Il l’embrassa et sur l’herbe la fit tomber
On entendit aussi la musique rythmée et joyeuse d’un virelai de Guillaume de Machaut. Les paroles de la chanson disaient à peu près ceci :
Quand je suis revenu voir ma Dame
Mon âme n’était plus en peine
Dieu ! comme je l’aime d’amour fidèle.
Et voici ce qu’Odéric et Imelda entendirent dans le Palais des papes :
Quand je suis mis au retour de veoir ma Dame,
Il n’est peine ni douleur que j’aie, par m’âme ;
Dieu ! c’est droit que je l’aime, sans blâme, de loyal amour !
Sa beauté, sa grand douçeur, d’amoureuse flamme,
Par souvenir, nuit et jour, m’éprend et enflamme ;
Dieu ! c’est droit que je l’aime, sans blâme, de loyal amour !
Et quand sa haute valeur mon fin cœur entame,
Servir la veuil sans foleur, penser ni diffame ;
Dieu ! c’est droit que je l’aime, sans blâme, de loyal amour !
Ensuite, vint une danse royale, musique du 13e siècle.
Une fois nommé pape sous le nom de Clément VI, Pierre Roger s’était dépêché d’accueillir l’Ars nova (l’art nouveau) au Palais, en élevant Philippe de Vitry à la dignité de cappellani pape. Il avait aussi nommé Guillaume de Machaut à la direction de sa nouvelle chorale.
Benoît XII, le pape précédent n’aimait pas du tout cette nouvelle musique qu’il avait interdite. Il disait qu’elle ne respectait pas les principes de l’antiphonaire et du graduel (livres liturgiques de chants grégoriens), que les sons se confondaient tous dans une avalanche de notes et que le plain-chant était méconnaissable. Il était habitué aux chants religieux lents, chantés d’une seule voix. Et surtout il avait en horreur du mélange de musique profane et de musique religieuse.
Clément VI ne voyait pas les choses de la même façon. Non seulement il avait voulu imposer la puissance de l’Église à toute l’Europe, en développant son administration et sa justice, mais il avait créé une cour somptueuse et coûteuse, bien avant Louis XIV. C’était un homme cultivé qui aimait la nouveauté.
A Paris à la fin du 12e siècle, l’École de Notre-Dame avait renouvelé la musique religieuse ajoutant des voix à la musique grégorienne. Cette musique polyphonique a conduit à l’Ars Nova du 14e siècle.
Musique du 13e siècle : Lamento de Tristan et Rota
Odéric et Imelda restèrent un moment à écouter motets, virelais, ballades et rondeaux. Ils avaient envie de danser mais n’osaient pas se faire remarquer. Puis, le temps étant venu d’aller souper, ils partirent discrètement.
Quand sonna Vêpres, la musique s’arrêta et la joyeuse assemblée se dispersa dans les couloirs du Palais des papes.