Herbes médicinales et aromatiques
Par une belle matinée d’un printemps frisquet, accompagné d’Odéric, Frère Bertrand était parti à pied de Sénanque juste après la prière de Laudes. Alors qu’Odéric dormait encore et que la nuit enveloppait l’abbaye, Frère Bertrand avait participé à la prière de Vigiles.
Le chemin qu’ils suivaient vers le nord, encore assombri par la forêt, donnait l’impression que la nuit ne s’était pas évanouie tout à fait. Et Odéric n’était pas très rassuré, craignant de rencontrer des brigands ou peut-être un loup qui n’aurait rien eu à se mettre sous la dent pendant la nuit.
Mais ils finirent par sortir de la forêt, retrouvant le soleil sur les collines, accompagnés d’un vol de mésanges bleues qui lancèrent leur "tsi-tsi" aigu.
- Il est temps de se mettre au travail, expliqua alors Frère Bertrand qui n’avait rien dit jusque-là.
Et les 2 moines partirent à la recherche d’herbes sauvages, aromatiques et médicinales. La matinée passa ainsi jusqu’à Tierce quand une cavalcade retentit sur le chemin un peu plus loin. Une dizaine de gens en armes arrivaient dans un nuage de poussière et firent halte à deux pas.
- Messires moines, vous ne pouvez pas rester là.
- Et pourquoi donc, sergent ?
- Une bande de brigands rôde dans la région. Ce sont des soldats qui ont perdu leur emploi à la guerre. Alors, comme ils ne sont plus payés, ils attaquent les braves gens, les dépouillent et les tuent.
- Dans ce cas, retournons de ce pas à l’Abbaye de Sénanque, répondit Frère Bertrand en s’adressant autant à l’officier qu’à Odéric.
- Impossible, il faut nous suivre ! Personne ne passe plus par ces bois, à présent, déclara le sergent en indiquant la forêt. Dieu soit loué que vous soyez encore en vie.
Ainsi, les 2 moines portant leur récolte d’herbes sauvages dans un sac jeté sur l’épaule, s’en allèrent à pied à la suite de la troupe armée. Odéric se retourna une dernière fois en direction de l’abbaye au-delà de la forêt, sans se douter qu’il ne la reverrait plus.
Et tous prirent le chemin de Carpentras.
Comme Frère Bertrand et Odéric marchaient en silence, au bout d’un moment Odéric se mit à penser à Audrey. Il se demandait si elle aussi était passée de ce côté du monde, en Avignon au temps des papes et de la peste. Comme on a récité tous les deux la recette magique, c’est obligé qu’elle ait disparu de la Maison Bleue. Auquel cas, vu qu’elle n’était pas dans l’abbaye de Sénanque, elle se trouvait forcément ailleurs. Mais où ?