Premières mesures avant d'entrer dans la musique

Quand je vais au jardin, il m'arrive parfois des choses étranges.

Sur le moment je ne m'en rends pas compte, tout semble normal. Vous partez chercher quelques herbes aromatiques pour votre omelette, et puis, au passage vous remarquez un tas d'herbes sauvages abandonnées, vous les emportez au compost. Mais l'idée vous vient alors de remuer ce vieux tas qui doit être mûr à présent et vous repartez chercher une fourche… Tout cela est parfaitement normal, vous avez juste oublié votre omelette.

Quand je vais au jardin, la tête dans les nuages, brume brume, c'est un peu différent. Par la suite, j'ai une impression bizarre. Je ne me souviens plus précisément en quoi c'était différent. Pourtant j'ai la certitude inquiétante que ce qui s'est passé là, dans le jardin n'est pas du tout normal. Sur le moment oui, c'est cohérent. Mais ensuite…

Brume de mare de cauche, je refuse absolument l'idée que j'ai disjoncté, pété les plombs, ou burnaouté, comme vous voulez. Je ne me suis pas non plus baladé dans un monde parallèle, une autre dimension, et quoi encore ? l'énergie, les vibrations ? Et puis quoi encore ?

A la réflexion, il me semble avoir plongé. Oui, plongé, nagé dans une nouvelle réalité, hypnotique. Comme au cinéma, comme dans un livre. Vous êtes là en train de regarder le film, vous lisez le livre et pfuit, d'un seul coup vous êtes ailleurs, complètement absorbé par la fiction. C'est tellement captivant que vous êtes captivé. C'est cuit, vous êtes avalé tout cru.

Alors je me demande, et ce n'est pas la première fois, croyez-moi, je me demande où est la bonne idée du monde. Que sont, de l'autre côté, les autres mondes, puisqu'ils sont tous aussi réels les uns que les autres et que, lorsque vous êtes dans l'un, vous n'êtes pas dans un autre ? Tout dans la tête, évidemment.

Et puis, cette facilité déconcertante avec laquelle vous trébuchez sur une aspérité du monde, vous passez de l'autre côté, et ailleurs, et encore, et finalement vous revenez. Mais c'est justement là le piège : vous revenez, certes, mais où ? Vous revenez quelque part, mais qui vous dit que ce quelque part, là, c'est le bon ?

En ce qui me concerne, j'ai tranché. J'aime les choses simples. J'ai horreur de ces considérations stupides qui ne font qu'empirer les difficultés passagères en problèmes insurmontables. Pour ma part, je me fiche de savoir quelle réalité est la bonne, l'unique, la seule acceptable pour un esprit lucide, je les prends toutes, l'une après l'autre, dans n'importe quel sens, comme ça vient. Je vagabonde en compagnie de tous les personnages qui se présentent à mon esprit endormi. Je regarde toutes leurs aventures. Je les vois, je les entends.

C'est plus fort que moi, j'aime la vie multiple, diverse et variée, fantaisiste, surprenante, amusante. Amusante, voilà, c'est le mot. J'aime jouer. J'aime jouer au jeu de la vie, un jeu plein de surprises, où la vie est une fiction surprenante. Il suffit de vous laisser aller à votre imaginaire.

C'est un jeu gratuit qui ne rapporte rien dans le monde de la chance au casino, du compte en banque plein de fric, du pillage, de la destruction de la planète, du massacre des populations. De mon point de vue, de tous les mondes réels ou imaginaires, celui-là est le plus nul. Vous êtes d'accord ?

Donc.

Brume de mare de cauche, on n'en parlera pas.

Evidemment.

D'ici quelques mots alignés par l'auteur sur la page, le narrateur va disparaître pour ne laisser plus que son fantôme.

Magie magie... et hop ! pop pop jazz rock and blouououzes...

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